Copperfield Walter

Walter naquit sur Monoton’Isle, petit archipel de West Blue, sans histoire, sans grand héros. Un seul village pour des îles qui n’éveillaient l’intérêt de personne, la marine y avait installé un simple colonel à la retraite, fatigué de ses aventures sur Grand Line et qui ne cherchait qu’à pouvoir se reposer dans un coin sans problèmes, et ça suffisait amplement à décourager la plupart des forbans dans leurs envies de pillage. À quoi bon combattre pour piller un endroit qui n’avait rien à donner, à quoi bon s’en prendre à des personnes qui ne vivaient pratiquement que de ce que la nature leur donnait ? Sur ces petites îles rien ne se passait depuis des années, pas la moindre fête annuelle, pas la moindre envie de changer quelque chose, de se soulever contre les pirates, la marine ou n’importe quelle autre force de ce monde, on laissait passer les journées à reproduire toujours les mêmes actes, et ça convenait à tout le monde, tout allait bien du moment que rien ne changeait, du moment que rien ne bougeait. Tout le monde en était ravi.

Ses parents ne dérogeaient pas à la règle, laxistes du moment qu’il ne perturbait pas la vie de l’île, ils l’élevèrent comme tout bon citoyen de Monoton’Isle pour qu’il préserve le calme, la paix et non-changement de cet archipel qu’ils voyaient comme un paradis. Walter acceptait sans broncher ces consignes, sans pour autant se sentir à l’aise dans ce monde qui ne permettait aucun émerveillement. Renfermé, presque muet, il sortait très peu de chez lui, passait son temps à relire encore et encore les quelques livres que son entourage possédait, des livres qui ne parlaient ni de guerres, ni d’aventures, pas plus que de courage et d’histoire d’amour. Des bouquins assez banals qui renfermaient quelques connaissances de bases dans des domaines simplistes tels que le jardinage ou la cuisine, des bouquins qui servaient à son père et à sa mère et qu’il commençait, à force, à connaître par cœur.

Pour seule amie il avait une fille du nom de Nova, d’un an moins âgé que lui, elle ressentait le même mal être, n’arrivait pas à se prêter aux jeux lassants des autres enfants, n’arrivait pas à comprendre cet environnement qui les emprisonnait. Pourtant tout deux ne disaient rien, il vivait dans le malaise mais se contentaient de rester ensemble, sans rêver d’une autre vie, sans chercher l’aventure. Parfois ils jouaient avec les grenouilles, parfois ils lisaient, parfois ils dessinaient. Mais des dessins ternes, colorés mais sans la moindre vie, des dessins d’enfants dépourvus de joie, copie brute de ce qu’ils avaient sous les yeux. Les mondes de l’imaginaire leur étaient fermés, la fantaisie ne les avait jamais croisés.

Ils vivaient comme tous les autres habitants de l’île, seuls à se rendre compte que quelque chose n’allait pas.

Un jour, peu après que Walter ait atteint l’âge de douze ans le vieux colonel mourut de cause naturelle. Le remplacement était urgent. Même si l’île principale n’était pas très attractive, le simple fait qu’elle ne soit plus gardée pouvait faire débarquer plus d’un abruti. Moins d’une semaine plus tard, on dépêchait un nouveau marine, fort d’un long service militaire et d’une vie bien remplie, il avait sauté sur l’occasion. Veuf, il emportait avec lui son fils du même âge que Walter. Un enfant qui avait depuis sa naissance vécu dans un monde à des années lumières de la routine de cette nouvelle île.
On lui demandait d’être discret. De ne pas se distinguer. Son père voulait qu’il puisse s’intégrer sans pour autant nuire à tous les principes de ce nouvel endroit. C’était peut être trop lui demander.

Dès les premiers jours il voulut explorer l’île de fond en comble, en découvrir le moindre de ses secrets, savoir quelle richesse pouvait receler sa faune et sa flore. Ce fût très mal vu, et malgré tout son engouement et ses grands récits, aucun enfant ne voulut l’accompagner, un gamin dérangé tout au plus excité d’avoir eu la permission de boire un peu de soda, rien qui ne vaille de déranger leur jeu. Il eut beau tout faire pour s'intégrer, quelque chose ne collait pas, il n’arrivait pas à se faire comprendre.

Sauf peut être d’une voix timide, réservé, d’un appel prononcé si bas qu’il ne réalisa pas tout de suite qu'il était réel. Deux enfants, avoisinant son âge, gênés et osant à peine le regarder dans les yeux, lui demandant la permission de venir avec lui, s’aventurer plus loin que les limites de la petite mare à Grenouille que les adultes leur interdisaient, s’aventurer sur les autres îlots de l’archipel qui regorgeaient peut être de merveilles, apprendre de lui un maximum de choses sur le monde et écouter ses histoires enjoués.
Ce disant ils se grattaient nerveusement les bras, se mordaient leslèvres et détournaient le regard, ils n’avaient jamais osé aller aussi loin. Mais ils sentaient au fond d’eux que s’ils ne transgressaient pas les règles aujourd’hui, ils n’auraient peut être plus d’autres chances.

Le troisième enfant sourit. Un vrai sourire, heureux, le premier depuis qu’il arrivait ici.

Ainsi naissait une grande amitié, pilier des futures aventures de notre héros. Walter et Nova rencontraient Lewis, pour le bien de leurs rêves et pour le souci de leurs proches.

Bientôt l’île principale, puis toutes celles qui l’entouraient furent explorées dans leurs moindres recoins, les cavernes, le cimetière et même jusqu’à une petite caverne sous-marine qu’ils découvrirent un jour par hasard. Lewis était le leader de leur petit groupe et ils ne trouvaient plus le temps de relire leurs anciens livres, parfois ils écrivaient, notaient leurs aventures dans des petits carnets de bord qu’ils cachaient bien précieusement pour qu’aucun adulte ne mette la main dessus.
Ils essayaient de faire preuve de discrétion, ne mêlait personne à leurs escapades et ne provoquait aucun ennui. Ce qu’ils trouvaient dans ces endroits n’avait aucune valeur pépinière, des malformations de la nature, tout au plus des bibelots égarés par un étourdi, mais pour eux c’était bien plus : le début de leurs aventures, leur passion pour l’exploration et les découverte, leur envie de liberté…

Un jour à la mare aux grenouilles, alors qu’il goûtait tranquillement, tout trois au cœur de l’adolescence, ils se firent une promesse : Quitter cette île à leur majorité, explorer le monde entier, en découvrir le moindre secret, ne jamais revenir avant d’avoir enfin trouvé le moyen de faire de nouveau rêver les habitants de Monoton’Isle.
Par un curieux hasard, alors qu’il proférait ce serment, un jeune têtard s’était rapproché d’eux, vaguement intrigué par ces présences étranges…

Les années s’écoulèrent et bientôt, à la porte de leur départ pour le vaste monde, leurs discussions ne tournaient plus qu’autour de leurs futures aventures, ils rassemblaient leurs affaires, commençaient à prévoir leurs vivres, projetaient de dérober un petit bateau qu’ils remplaceraient très vite une fois arrivés sur une autre île. Ils tentaient de s’entraîner au combat, sachant pertinemment que la vie de pirate ne leur épargnerait pas ce labeur, Lewis avait quelques connaissances rudimentaires importées de sa vie d’avant. Ils fouillaient également dans les manuels et le grenier de son père, dont quelques uns étaient hérités de l’ancien colonel. Autodidactes, ils ne pouvaient arriver aux résultats escomptés, mais naquit assez vite un « art martial » un peu loufoque à base de positions ridicules qui leur permettait pourtant de décompresser : le style des animaux en U.

Alors que le temps qui les séparait encore du grand départ se décomptait en jours, une trouvaille dans un vieux coffre de la Grand-mère de Nova fit naître l’envie d’explorer une dernière fois leur « jardin secret », cet archipel qu’ils s’apprêtaient à quitter. Un Visiodial. Âgé. Poussiéreux. À peine en état de marche, parmi les affaires d’un grand-père disparu dont personne ne voulait parler. Le prendre ne dérangerait personne, personne ne se rendrait compte de son absence.
Leur aventure commençait ici, immortalisée par ces quelques clichés, ces rires, cette bagarre bon enfant, la découverte de cette caverne…

…dans leur chahut les garçons passèrent à travers un mur de végétation, découvrant un passage encore insoupçonné. La lumière filtrait à travers les fissures qui zèbraient une voute rocheuse, révélant l’extrême humidité des lieux, des mousses d’espèces diverses tapissaient les murs, et là, à quelques mètres du sol, poussant à travers un épais nid de végétation, une grosse forme jaune couverte de motifs en spirale.
Lewis fut bien le seul à se rendre compte de l’importance de cette découverte, un fruit du démon sur Monoton’Isle à la veille de leur voyage, quelle aubaine ! Nova et Walter ne comprenant pas sa soudaine folie, n’eurent droits à que de brefs mots d’explications qui leur rappelèrent les récits de leur ami avant qu’il ne se jette sur le mur, désireux de parvenir jusqu’à ce trésor. La hâte de ce dernier les empêchèrent d’intervenir, de le mettre en garde contre les spores de ces mousses allergènes dont on ne leur parlait qu’à l’école. Lewis n’était pas d’ici.

La réaction allergique fut fulgurante. Deux adolescents face à une réalité qu’il n’avait pas encore envisagée : la Mort. La caverne fut vite évacuée, les secours désespérément cherchés. Mais pas de médecin sur Monoton’Isle. On ne tombe pas malade, on ne se blesse pas sur une île où tout est savamment orchestré pour qu’aucun problème n’ait lieu. Le temps de contacter les autres îles et il était déjà trop tard.

Un gros vide s’installa. Les rêves furent abandonnés, le départ annulé, les condoléances à demi-écoutées. Difficile de se consoler, peut être encore plus d’arrêter de pleurer. Et pourtant il fallut bien que les larmes arrêtent de couler, qu’une décision commune soit prise pour que l’honneur de la mémoire d’un ami soit conservé. La frustration se changea en motivation, la motivation de s’endurcir et le devoir d’aller jusqu’au bout d’un rêve. Lewis leur avait fait réalisé que les mœurs ne pouvait brider leur liberté, c’était à présent à eux de ne pas se laisser enchaîner par la tristesse.
Pourtant être mis en face de cette Mort leur avait fait réaliser une chose : ils n’étaient pas prêts.

Les entraînements se poursuivirent à deux, effectués du mieux possible comme si rien n’avait changé, la présence de cette curieuse grenouilles mise à part peut être.

Tout ça jusqu’au jour où, couvert de sueur après une très longue après-midi d’un échange de coups intenses, Walter lâcha un simple « On part demain ? ». On lui répondit par un sourire.